Prioriser les cas d’usage pour l’IA agentique

Les systèmes d’IA agentique s’imposent comme un levier central de performance : ils ne se contentent plus d’exécuter des règles, ils planifient, raisonnent et apprennent en continu. Pour les entreprises, la première question devient donc : quels processus méritent vraiment d’être « agenticisés » afin de dégager de la valeur sans alourdir inutilement le socle technologique ?

Dans cette optique, deux démarches complémentaires émergent. La première consiste à diagnostiquer, cas par cas, si un problème métier requiert bien l’autonomie, le raisonnement contextuel et l’adaptabilité propres à l’IA agentique. La seconde vise à hiérarchiser l’ensemble du portefeuille d’initiatives selon leur impact, leur facilité de déploiement et un indice de différenciation qui mesure le caractère irremplaçable de l’IA générative dans la solution envisagée .

Commencer par un examen diagnostique évite de transformer à tout prix chaque automatisation en agent intelligent. L’approche recommande d’évaluer la nature des décisions, la fréquence des changements de contexte et le besoin d’apprentissage continu avant toute industrialisation .

Plusieurs critères s’avèrent discriminants. Les tâches qui demandent un raisonnement élaboré, un enchaînement d’étapes dépendantes et une compréhension fine du contexte—comme l’optimisation de la supply-chain ou le service client à forte teneur émotionnelle—sont d’excellents candidats . À l’inverse, les opérations ponctuelles ou purement statistiques (ex. segmentation statique) relèvent plutôt de modèles analytiques classiques. Il faut également vérifier la capacité de l’agent à agir en autonomie tout en escaladant les exceptions : la gestion d’incidents IT ou le monitoring conformité illustrent bien cet équilibre, contrairement à la simple génération ponctuelle de code .

Les flux véritablement agentiques ont par ailleurs une fin logique, sont orientés vers un résultat mesurable et se répètent avec un cycle clair. Un processus de vérification de notes de frais ou d’onboarding client, par exemple, coche ces cases, alors que la création isolée d’une fiche CRM ne constitue qu’un sous-geste trop limité. Enfin, la dimension d’apprentissage continu est décisive : une campagne marketing optimisée en temps réel ou une détection de fraude adaptative profiteront bien mieux de capacités d’auto-amélioration qu’un découpage de listes e-mail statique .

Vient ensuite la question de la priorisation. Un cadre matriciel croise l’impact attendu et la facilité de mise en œuvre, tout en ajoutant la notion clé d’« indice de différenciation ». Plus la bulle est grosse dans la matrice, plus l’agent est stratégique et difficilement substituable ; il devient alors prioritaire malgré une éventuelle complexité technique . Cette lecture permet d’éviter les pilotes disparates et d’aligner les ressources sur les chantiers les plus transformatifs, plutôt que sur des expérimentations isolées .

La complexité intrinsèque de chaque cas d’usage sert d’autre repère. Les scénarios « haute couture » orchestrent plusieurs domaines, intègrent des API complexes et mobilisent plusieurs agents coopérant autour d’objectifs financiers ou opérationnels majeurs ; l’automatisation intégrale du traitement des factures en est un exemple typique . Les cas intermédiaires, tels que la vérification de garanties bancaires, équilibrent gains d’échelle et effort de déploiement . Enfin, les cas à faible complexité—par exemple le tri de CV selon des règles—servent surtout de tremplin pour familiariser les équipes avant d’ouvrir des chantiers plus ambitieux .

Pour estimer l’impact, il convient d’examiner la taille du marché interne, l’importance stratégique pour la position concurrentielle, la disponibilité des données et les gains économiques attendus. De même, la facilité d’implémentation dépend du délai de mise en valeur, des compétences internes et des alliances extérieures nécessaires .

Toute démarche doit s’inscrire dans un plan directeur global : éviter la prolifération de micro-projets, créer une gouvernance unifiée, former les équipes et prévoir le changement organisationnel. Les déploiements pilotes doivent générer rapidement des bénéfices visibles, puis servir de tremplin à une adoption plus large, alignée sur les priorités stratégiques et accompagnée d’une feuille de route claire .

En définitive, choisir le bon terrain d’application pour l’IA agentique, c’est articuler rigueur méthodologique et vision long terme. Les entreprises qui fixeront des critères exigeants de sélection, qui hiérarchiseront leurs cas d’usage selon leur valeur et leur différenciation, et qui investiront simultanément dans la gouvernance et les compétences, transformeront l’IA agentique en avantage concurrentiel durable. C’est à ce prix qu’elles pourront passer de la simple automatisation à une orchestration intelligente, porteuse d’innovations continues et d’une agilité accrue pour relever les défis de demain.